2.7.08

Comme une solitude.

L’errant se frôle à la joue du temps, qui chaque jour le berce vers un pas de moins. Les vestiges d’une averse ruissellent sur son manteau et le vent se fracasse sur sa frêle carcasse. Il n’a nulle part où aller et ne vaque à rien, sauf si ce n’est à la dérive. Le soleil vient tout juste d’apparaître et les buildings commencent déjà l’asphyxie des quelques morceaux d’éther visibles. À cette heure, les trottoirs s’inondent de personnages anonymes qui ne font que passer et s’enfoncent entassés. L’errant ose timidement l’affront de la main, tendue devant lui, avant que, dans les autobus et les métros, d’un pas cadencé, s’inhument une marée humaine. Dans cette cohue quotidienne, dix mille visages, tournés vers lui, sur lesquels se dessinent et se dressent de muettes critiques.

Une pièce de monnaie se pose dans une paume.

L’adolescente leste traîne avec elle un violoncelle élimé. La mélancolie de ses jours se joue sur grand format et s’accorde en démesure. Aspirée par l’apathie des masses et des masques revêtus, elle se laisse porter comme un navire sur un fetch. Au loin, au-dessus de sa tête, l’instrument de ses vertiges demeure encore visible et se heurte à l’èbe du pavé.

Un archet d’écrin se lustre sur une corde et, à fleur de peau, en surface, se grave un sourire.

Le junkie. Sa souffrance se fixe au bout d’une aiguille et s’encre sur sa peau. Balafres de doléances, ses bras se balancent le long de son corps et il marche, malaisé, à travers la foule. Ses bottes battent le tempo d’une manœuvre militaire et ses sanglots s’engloutissent sur faîte de silence.

À travers l’alinéa des allées et venues, j’appuie sur le déclencheur.

Un déclic, imperceptible ou presque, fige, sur pellicule, le temps. Trois figures, trois routines qui, ainsi exposées, apparaissent soudain moins en aparté. Je me fais discret et m’éclipse comme un voleur qui viendrait de leur arracher un souffle. En m’éloignant, je réalise que le boîtier de mon appareil photo n’est plus étanche : une fissure, par laquelle la lumière pénètre, comme une fenêtre mal calfeutrée, viole les moments où les secondes s’effritent entre mes doigts. Le temps ne dure pas, il s’éternise. En passages éphémères.

1 commentaire:

était !c! a dit…

belle finale! elle a changée ou c'est moins qui n'était pas à jour?

ça sonne, "comme un navire sur un fetch"!

j'ai d'autres commentaires, mais là j'dois aller travailler.. fais-moi penser de te les donner à mon retour ;)

cath

ps. j'adore le vert de ton nouveau blog
pps. j'adore les ps
ppps. plus y'a de P devant le S mieux c'est!